A priori, la preuve d’une discrimination au travail semble faire l’objet d’un régime favorable envers les victimes.

Selon l’article L. 1134-1 du Code du travail, le salarié n’aurait que l’obligation de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, à charge ensuite pour le défendeur de démontrer le contraire.

Cependant, ce régime favorable de la preuve est neutralisé par la pratique. La preuve d’une discrimination reste particulièrement difficile pour les salariés victimes.

Par crainte d’une explosion des demandes abusives, les juridictions ne retiennent pas facilement l’existence d’une discrimination.

Les auteurs d’une discrimination n’ignorent pas cet aspect et sont prêts à invoquer le moindre argument qui pourrait susciter le doute auprès d’un Conseil des prud’hommes ou d’une Cour d’appel.

C’est ce qu’a eu à vivre une salariée homosexuelle dans une affaire tranchée par la Cour d'appel d'Amiens (Cour d’appel d’Amiens, 18 octobre 2017, n° 15/02517).

Embauchée en qualité de second de cuisine dans un restaurant familial, cette salariée a été poussée à la démission par le gérant de la société en raison de son orientation sexuelle.

L’employeur rétorquait qu’il connaissait son homosexualité depuis longtemps, ce qui n’était pas contesté.

Cette logique semble imparable. Si l’employeur était vraiment homophobe, il aurait discriminé la salariée plus tôt.

Fort heureusement, la Cour d’appel d’Amiens n’a pas été convaincue par ce sophisme.

La Cour a pu relever que le gérant avait changé d’attitude lorsqu’il a découvert que la salariée avait une liaison avec sa propre fille.

Malheureusement, le gérant n’a pas supporté cette nouvelle et a pris la pire décision qui soit.

Ce dernier espérait changer l'orientation sexuelle de sa fille en forçant son amante à partir de l’entreprise.

Plus nauséabond encore, il était reproché à la fille du gérant d’être « détournée » par la salariée. La directrice du restaurant, qui était également sa sœur, lui expliquait « qu’il n’y avait pas de lesbienne dans la famille ».

La Cour en a conclu que c’était bien l’orientation sexuelle de la salariée qui avait conduit à sa démission imposée.

Si la salariée avait été un homme, il n’est pas certain qu’une relation hétérosexuelle avec la fille du gérant aurait causé une réaction aussi hostile.  

La démission a été requalifiée en licenciement nul en raison son caractère discriminant.

La Cour d’appel d’Amiens a eu le soin de préciser que :

« Le fait que l'homosexualité de madame Y n'ait pas été discriminante auprès de son employeur auparavant ne fait pas obstacle à ce qu'à un moment, notamment lors d'évènements spécifiques mettant en jeu des sentiments plus personnels, l'orientation sexuelle de madame Y ait été l’origine d'une mesure discriminatoire ».

La Cour n’a fait qu’appliquer une logique profondément humaine.  

Ce n’est pas parce que l’homosexualité d’un salarié a été tolérée dans le passé qu’elle le sera toujours.

L’homophobie peut être latente et se manifester du jour au lendemain. Un simple bouleversement peut tout faire basculer.