C’est une question d’actualité. La frontière entre le travail et la vie personnelle est régulièrement remise en question au point qu’il devient parfaitement normal pour certains salariés de concilier leurs obligations religieuses avec leurs impératifs professionnels.

La question peut se poser de savoir si un salarié prend un risque vis-à-vis de son employeur en priant au travail.

Il convient au préalable de préciser que l’obligation de neutralité religieuse  ne s’impose qu’aux employés de l’Etat et des entreprises gérant un service public.

Cela ne veut pas dire que l’entreprise privée n’est pas concernée par les problématiques religieuses.

En principe, le salarié a le droit au respect de sa liberté religieuse au travail.

Mais ce principe peut faire l’objet d’exceptions puisque l’article L. 1121-1 du Code du travail permet à l’employeur de restreindre les possibilités du salarié de vivre sa religion dans l'entreprise à partir du moment où ces restrictions sont justifiées et proportionnées.

L’article L. 1321-2-1 du Code du travail donne également la possibilité à l’employeur d’introduire dans son règlement intérieur  des  dispositions instaurant  une  neutralité  au  sein  de l’entreprise. Cette clause doit également être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

Ces textes restent protecteurs des salariés car ils interdisent les restrictions arbitraires ou motivées par des raisons illicites.

En outre, l’article L. 1132-1 du Code du travail interdit les discriminations en raison de la religion ou des croyances du salarié.

Lorsque l’employeur restreint la liberté de prier, il ne peut le faire pour une religion en particulier. Une restriction, même légitime, doit concerner toutes les croyances et se garder de tout favoritisme.

Inversement, la pratique religieuse du salarié au sein de l'entreprise doit être compatible avec ses horaires, le respect des lieux de travail et les tâches qui lui sont confiées (CA Douai, 31 mai 2016, n° 14/03708,).

Dans un guide publié par le ministère du travail, il est précisé que :

« Vous pouvez prier, pendant votre temps de pause, dans votre bureau si cela ne perturbe pas l’organisation du travail.  En revanche, si vous le faites sur votre temps de travail ou que cela gêne l’exécution du travail de vos collègues, une interdiction est justifiée. » (Guide du fait religieux dans les entreprises privées, page 21).

Cette position paraît logique et équilibrée.

Durant le temps de pause, un salarié peut parfaitement vaquer à des occupations personnelles comme fumer une cigarette ou consulter les réseaux sociaux. Prier est une occupation personnelle comme une autre et le salarié est libre d’utiliser son temps de pause comme il le souhaite.

Concernant le lieu de prière, il est en revanche préférable de choisir un lieu discret à l’abri des regards.

Si du point de vue d’un pratiquant, une prière en public n’est pas forcément choquante et n’a pas pour but d’imposer ses croyances à autrui, cet avis peut ne pas être partagé par l’employeur.

Le fait de prier devant ses collègues de travail ou à la vue des clients pourrait être assimilé, même à tort, à du prosélytisme.  

Or, le prosélytisme en entreprise est considéré comme étant un exercice abusif de la liberté de religion, justifiant de ce fait une sanction (CA Aix-en-Provence, 15 févr. 1989, nº 87/5141).

Afin d’éviter tout malentendu et surtout une éventuelle sanction disciplinaire, mieux vaut choisir un lieu adapté à une activité qui relève de la sphère privée.

Attention toutefois à ne pas choisir n’importe quel lieu. Le salarié ne doit pas prier dans un local dangereux pour sa sécurité ou dans lequel il n’a pas l’autorisation d’y accéder.

Si le salarié ne dispose pas d’un endroit adéquat, il convient de solliciter l’autorisation de l’employeur pour utiliser un local particulier.

Il est évidemment risqué de prier sur son temps de travail et sans l’autorisation de l’employeur.

La Cour d’appel de Paris a plusieurs fois approuvé le fait de reprocher à un salarié de faire la prière sur son temps de travail (CA Paris, 17 juin 2014, n° S 10/01020 et CA Paris 11 oct. 2017, n° 16/01757).

Ces décisions sont incontestables car le salarié est avant tout un contractant s’engageant à fournir un travail.

Dans cette hypothèse, ce n’est pas le fait de prier pendant le travail qui est sanctionné mais le fait de ne pas fournir la prestation convenue.

D’une manière générale, le salarié ne peut pas invoquer sa religion pour refuser d’exécuter son travail, même partiellement (Cass. soc., 24 mars 1998, n° 95-44. 738).

L’employeur peut en revanche autoriser des temps de prière sur le temps de travail si les temps de pause ne sont pas suffisants.

Mais cette faveur n’est nullement une obligation.