Le Code de la route permet aux forces de l’ordre de procéder, même en l’absence d’accident de la route, d’infraction ou de raison plausible de soupçonner un usage de stupéfiants, de dépister un conducteur pour vérifier s’il conduit sous emprise.

Si le résultat du dépistage est positif, ou s’il est impossible de procéder au contrôle (notamment refus du conducteur), il sera procédé à un examen clinique (prélèvement sang) ou biologique (prélèvement sanguin ou salivaire), en réquisitionnant le personnel médical à cette fin.

Une fois ce prélèvement effectué, le conducteur doit être informé de son droit à bénéficier d’une contre-expertise (examen technique, expertise ou recherche de médicaments psychoactifs). Il doit lui être expressément demandé s’il veut utiliser ce droit, pour qu’un second prélèvement soit effectué. Il sera utilisé plus tard si le conducteur le demande, quand lui sera notifié le résultat du premier prélèvement.

Le cabinet constate qu’il arrive souvent que le conducteur soit incité par les services de police ou de gendarmerie à renoncer à une future contre-expertise, sous des prétextes fallacieux : « l’expertise vous coûtera cher », « cela va rallonger la période de suspension », « cela n’a pas de valeur devant le juge » etc.

En réalité, il est capital de ne pas renoncer à ce droit et la jurisprudence la plus récente du Conseil d’Etat vient le confirmer.

Un conducteur avait fait l’objet d’une suspension administrative conservatoire après un test salivaire positif à la cocaïne. Il avait saisi le tribunal administratif pour contester cette suspension et il avait obtenu gain de cause, grâce aux résultats que le requérant avait versés au débat : il avait pris l’initiative d’effectuer un test par un laboratoire, qui démontrait qu’il n’avait consommé aucun stupéfiant. Le Tribunal estimait donc que la fiabilité du prélèvement salivaire était compromise.

Le ministre de l’Intérieur a introduit un pourvoi en cassation contre le jugement.

La Haute juridiction administrative vient préciser que la circonstance que le conducteur n’a pas été mis à même de se réserver la possibilité d’une contre-expertise ou qu’un souhait exprimé en ce sens n’a pas été pris en compte est de nature à entacher la régularité de la procédure engagée à son encontre.

En revanche, elle ne saurait l’autoriser à se prévaloir, pour contester les résultats du prélèvement salivaire, des résultats d’une expertise réalisée de sa propre initiative, en-dehors de la procédure organisée par le code de la route (examen par un médecin agréé, d’un prélèvement effectué sous contrôle d’un officier de police judiciaire).

De ce fait, en se fondant sur les résultats de cet examen, réalisé en dehors de la procédure organisée par le code de la route, le jugement est entaché d’erreur de droit et doit être annulé.

Dès lors qu’il n’est pas possible de se prévaloir des résultats d’un examen privé pour remettre en cause le résultat qui a conduit à la suspension administrative, il devenait très compliqué pour le requérant d’expliquer le résultat positif.

L’explication selon laquelle il avait probablement été en contact avec de la cocaïne en ayant bu dans le verre d’une personne ayant consommé ne convainc pas les juges, qui rejettent sa requête.

La position du Conseil d’Etat est donc très tranchée.

La contre-expertise s’avère hautement utile pour ce qui est de la stratégie de défense devant le tribunal correctionnel, qui s’intéresse pour sa part à la culpabilité du conducteur poursuivi pour conduite sous l’emprise de stupéfiant.

La violation du droit à bénéficier d’une contre-expertise pourra permettre d’envisager la relaxe du conducteur, au bénéfice du doute. L’utilisation d’expertise privée est encore tolérée par les juges judiciaires, même si elle n’est pas automatique.