L’article L224-2 code de la route donne au préfet le pouvoir de suspendre le permis de conduire  à titre conservatoire, en attendant que la justice se prononce, dans certaines circonstances :

  • Conduite sous l’empire d’un état alcoolique ou après usage de stupéfiants
  • Refus de se soumettre aux vérifications de l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants au volant
  • Interception du véhicule en cas de dépassement de plus de 40 km/h de la vitesse maximale autorisée
  • Rétention du permis de conduire suite à un accident de la circulation mortel ou occasionnant un dommage corporel en ayant commis une infraction en matière d’usage du téléphone tenu en main, de respect des vitesses maximales autorisées ou des règles de croisement, de dépassement, d’intersection et de priorités de passage, constatée par procès-verbal
  • Refus d’obtempérer

L’autorité préfectorale dispose d’un délai de 72 heures (120 en cas de conduite sous stupéfiants ou alcool) à compter de la rétention du permis de conduire par les forces de l’ordre, mais il arrive que la jurisprudence tolère qu’il soit dépassé.

La juridiction administrative, qui est compétente pour examiner la légalité des décisions de rétention et suspension administrative de permis de conduire, a été amenée à préciser ce qui peut constituer un « procès-verbal de constatation ».

  • Quels étaient les faits ?

A la suite d’un accident de la circulation mortel survenu le 12 mars 2023, le préfet des Deux-Sèvres a prononcé par arrêté du 13 mars 2023 la suspension du permis de conduire du conducteur pour une durée de 10 mois.

Le conducteur a saisi le Tribunal administratif aux fins d’annulation de cet arrêté, au motif que la rétention ne se fondait sur aucune infraction constatée à son encontre. Au vu de l’urgence de sa situation, il a introduit une procédure de référé-suspension, seul moyen de reconduire rapidement.

Le juge des référés ayant rejeté la requête, le Conseil d’Etat a été saisi en cassation.

Ce dernier vient rappeler tout d’abord que le représentant de l’Etat dans le département ne peut prononcer une suspension de permis de conduire à la suite d’un accident de la circulation ayant entraîné la mort d’une personne que si un procès-verbal établi par un officier ou par un agent de police judiciaire justifie de façon suffisamment probante, quels que soient son intitulé ou sa formulation, de la commission par le conducteur en cause d’une des infractions énumérées à l’article L.224-2.

Par suite, en se fondant seulement sur un avis de rétention immédiate du permis de conduire établi par les services de gendarmerie, qui se bornait à indiquer que les conditions étaient réunies, sans précision sur les circonstances de l’accident et l’implication du conducteur, le juge des référés avait commis une erreur.

  • Quelle est la position du Conseil d'Etat ?

La Haute juridiction constate, au vu des pièces produites au débat, que pour suspendre le permis de conduire, le préfet s’est fondé sur un procès-verbal établi par la brigade de gendarmerie. Il s’agit d’un document intitulé « procès-verbal de transport, constatation et mesures prises », dressé par un agent de police judiciaire et un officier de police judiciaire au vu de constats immédiatement consécutifs à l’accident mortel impliquant le requérant, indiquant que cet accident est consécutif à une manœuvre effectuée en méconnaissance d’une règle de priorité matérialisée par un panneau lui imposant de céder le passage.

Un tel document constitue, selon les juges de cassation, un procès-verbal sur lequel peut se fonder le préfet, alors même qu’il ne renvoie pas à l’article R. 415-7 du code de la route (règles pour céder le passage) et qu’il ne procède pas à la qualification expresse d’une infraction à ces dispositions.

L’arrêté respecte de ce point de vue l’article L.224-2 du code de la route, ce qui amène à écarter en l’état son illégalité. Il reste à voir quelle sera l’analyse des juges du fond sur ce dossier, leur appréciation collégiale n’étant pas liée par ce qui est décidé en référé.

La problématique de la suspension administrative du permis de conduire ne peut pas être appréhendée correctement sans prendre en compte le traitement judiciaire de l’infraction qui a été constatée, et réciproquement.

Le cabinet assiste et conseille régulièrement les conducteurs poursuivis pour des infractions routières, contraventionnelles ou délictuelles. Il est capital de mettre rapidement en œuvre une stratégie pour éviter le risque qu’à terme, le permis de conduire soit invalidé, pour solde de points nul.