Les mots sont souvent galvaudés et il est parfois utile de revenir aux fondamentaux.

En France, la laïcité obéit à un régime juridique précis, issu pour l’essentiel de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des églises et de l’Etat, dont les articles 1 et 2 disposent que : « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ». « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». Le principe de laïcité a acquis une valeur constitutionnelle avec la Constitution de 1946, réaffirmée dans l’article 1er de la Constitution de 1958.

La France est également liée par un ensemble de textes internationaux dans lesquels la notion de laïcité n’apparaît pas. C’est sous l’angle de la liberté de conscience et du pluralisme religieux que sont appréhendés, au plan international, les rapports entre églises et Etats, par des textes qui garantissent l’absence de discrimination pour raisons religieuses et le respect de la liberté religieuse, mais admettent des restrictions légitimes à la manifestation de cette liberté. 

Le régime juridique de la laïcité est à la fois épars, car dispersé dans de nombreuses sources juridiques, et divers, car la laïcité ne s’applique pas de la même manière sur l’ensemble des territoires de la République. Dans ce corpus juridique éclaté, le rôle du juge a été fondamental : c’est principalement de la jurisprudence que se sont dégagées les règles juridiques applicables, à partir des dispositions constitutionnelles, législatives ou règlementaires, mais aussi à partir des conventions et traités internationaux.

Il existe en France huit régimes cultuels différents, dont six pour l’outre-mer. En Alsace-Moselle le régime concordataire subsiste. Pour Mayotte, la Nouvelle Calédonie, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, St Pierre et Miquelon et la Guyane des régimes différents ont été institués en fonction de l’histoire et de la situation géographique et culturelle. En statuant en février 2013 sur une question prioritaire de constitutionnalité relative au financement du culte protestant en Alsace-Moselle (décision n° 2013-297 QPC du 21 février 2013), le Conseil constitutionnel consacre le fait que la Constitution ne s’oppose pas à des régimes dérogatoires au principe de laïcité. La décision énumère également les cinq composantes du principe constitutionnel de laïcité : neutralité de l’Etat, non reconnaissance de quelque culte que ce soit, respect de toutes les croyances, égalité devant la loi, garantie du libre exercice des cultes et absence de financement des cultes.

A cet effet, il convient de rappeler un avis du 26 septembre 2013 de la Commission nationale des droits de l’homme (CNCDH) sur la question, qui pose le débat juridique de manière plus sereine à l’aune des droits fondamentaux. Cet avis est toujours d’actualité.

La CNCDH y énonce que « la laïcité n’est pas un ensemble d’interdictions mais bien une condition de la liberté des citoyens et d’une plus grande neutralité de l’Etat ».

La Commission précise par ailleurs, le contenu des secteurs public et privé.

- Pour le secteur public : le principe est une neutralité stricte pour les agents du service public et pour ceux remplissant des missions de service public, y compris ceux qui ne sont pas directement en contact avec les usagers.

- Pour le secteur privé : le principe de neutralité ne peut s’appliquer, la liberté est la règle et la limitation ou l’interdiction de l’expression religieuse est l’exception. Dans le secteur privé, la Commission considère qu’il est tout à fait possible pour un employeur de limiter l’expression religieuse au sein de son organisme, à condition de respecter certaines règles (légitimité, proportionnalité, justification), en prenant appui sur le code du travail et le règlement intérieur, outils de régulation des rapports sociaux dans l’entreprise.