Pour mettre un peu de juridique dans un débat societal sur le port du voile dans l’espace public, il est utile de rappeler la position de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) interprétant l’article 9.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH).

Selon cet article : « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Toute atteinte portée par un Etat devrait donc être fondée sur une loi et une simple circulaire par exemple (nota.  Circulaire n° 2012-056 (NOR : MENE1209011C) du 27 mars 2012 pris par Luc Chatel, alors ministre de l'Éducation nationale) n’a aucune force contraignante.

Dans un arrêt récent, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) précise, après avoir rappelé sa jurisprudence en la matière dans ses considérants 31 et 39 et suivants, que « l’appréciation de la proportionnalité de l’interdiction doit se faire au cas par cas et non de façon générale » (CEDH, 18 septembre 2018, n°3413/09, LACHIRI c. BELGIQUE).

La Cour rappelle d’abord que le « foulard islamique » n’est pas un habit qui dissimule tout le visage.

Ensuite, selon la Cour, la personne qui « n’est pas représentante de l’État dans l’exercice d’une fonction publique » ne peut être soumise, en raison d’un statut officiel, à « une obligation de discrétion dans l’expression publique de ses convictions religieuses ».

La Cour donne enfin une définition la notion de « espace public » (par opposition à un lieu de travail). Par exemple un tribunal, comme un établissement scolaire public, serait un espace public particulier qui n’est pas similaire à « une voie ou une place publique ». Donc une restriction serait possible sous conditions strictes pour ce type d’espaces particuliers.

Ce faisant, et dans le cas d’espèce, qui concernait une personne en foulard dans une salle d’audience belge qui refusait d’enlever son voile, la Cour estime que « la nécessité de la restriction (à la liberté prévue par l’article 9) ne se trouve pas établie et que l’atteinte portée au droit de la requérante à la liberté de manifester sa religion n’était pas justifiée dans une société démocratique ».

Donc ce qu’il convient de retenir est que :

  1. pour être concerné par la liberté religieuse, encore faudrait-il que la personne portant le voile revendique cette qualité.
  2. la dissimulation de tout le visage qui ne peut être une prescription religieuse peut être interdite (CEDH, 1er juillet 2014, SAS c. France (requête n°43835/11).
  3. la restriction à la liberté religieuse peut être imposée dans un espace public autre qu’une voie ou une place publique au nom du principe de neutralité découlant de la laïcité
  4. l’interdiction doit cependant, pour être conforme à la Convention, être expressément être prévue par la loi dans des termes claires + poursuivre un but légitime + être nécessaire dans une société moderne et démocratique (proportionnalité).

Il ne peut donc exister d’interdiction généralisée sans précisions de ces points.