Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, l’intervention à distance de l’avocat est envisagée lors d’une garde à vue ou de la rétention douanière.

Il ressort en effet, de l’article 13 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 que :

« Par dérogation aux dispositions des articles 63-4 et 63-4-2 du code de procédure pénale, l’entretien avec un avocat de la personne gardée à vue ou placée en rétention douanière, ainsi que l’assistance de la personne par un avocat au cours de ses auditions, peut se dérouler par l’intermédiaire d’un moyen de communication électronique, y compris téléphonique, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges. »

Le point 1.3 « Adaptations concernant la garde à vue » de la Circulaire du Ministère de la Justice du 26 mars 2020 N°CRIM-2020-12/H2-26.03.2020 de présentation des dispositions de l’ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 (NOR : JUSD2008571C) précise l’application qu’il convient de faire de cet article.

Selon la Circulaire, « Ces dispositions, dont il est expressément indiqué qu’elles s’appliquent à la retenue douanière, s’appliquent également à la retenue des mineurs de treize ans, à la rétention en cas de violation du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique, à la rétention sur mandat d’arrêt ou d’amener, à la rétention pour exécution d’une peine, à la rétention sous le contrôle du juge de l’application des peines, qui renvoient en effet aux dispositions des articles 63-4 ou 63-4-2 du code de procédure pénale. »

Ainsi que le précise expressément le rapport au Président de la République, il ne peut être recouru à un moyen de communication électronique que « lorsque cela apparaît matériellement possible et que si l’avocat de la personne gardée à vue l’accepte ou le demande ».

Le Ministère souligne que ces dispositions « ne viennent nullement limiter la possibilité pour l’avocat d’assister sur place la personne en garde à vue conformément aux dispositions du code de procédure pénale, le déplacement de l’avocat dans les services enquêteurs et sa présence physique auprès du gardé à vue ne pouvant en effet lui être refusés » et « ont pour seul objet de permettre une assistance même en l’absence de déplacement de l’avocat, avec l’accord de celui-ci. »

La Circulaire précise encore que « En pratique, c’est au seul officier de police judiciaire, ou à l’agent des douanes en cas de retenue douanière, d’apprécier s’il est matériellement possible de permettre l’intervention téléphonique ou par visio-conférence de l’avocat, dans des conditions qui garantissent non seulement la confidentialité des échanges, mais également le bon déroulement de la procédure. »

A cet égard, l’exigence de respect de la confidentialité des échanges rappelée par l’article 13 doit être conforme à la définition de la Cour européenne des droits de l’Homme, qui considère qu’un échange confidentiel s’entend de la possibilité de s’entretenir « hors de portée d’ouïe d’un tiers ». Ainsi dans un arrêt de grande chambre (CEDH, Grande chambre, 12 mai 2005, Öcalan c/ Turquie, no 46221/99 (violation de l’article 6§1, combiné avec l’article 6§3b de la Convention européenne des droits de l’Homme), la Cour a affirmé le principe de l’entretien du détenu avec ses défenseurs hors de portée d’ouïe d’un tiers. Par extension, c’est aussi la faculté de mettre hors du regard d’un témoin oculaire la personne quand elle entre dans un lieu de privation de liberté, spécialement les locaux de garde à vue, afin notamment de préserver la présomption d’innocence.

Cette confidentialité des échanges ne concerne évidemment que les entretiens confidentiels entre l’avocat et son client prévus par l’article 63-4 du code de procédure pénale (entretien initial puis en cas de prolongation de la mesure), et non l’assistance de l’avocat au cours des auditions, assistance qui n’est pas confidentielle et pendant laquelle l’article 63-4-3 du code de procédure pénale ne permet pas à l’avocat de s’entretenir en privé avec son client, mais simplement de « poser des questions à l’issue de l’audition ».

La Circulaire précise encore que « l’entretien prévu par l’article 63-4 ne pourra intervenir par téléphone avec l’avocat que si l’enquêteur est en mesure de vérifier que la personne gardée à vue n’a pas la possibilité d’utiliser le téléphone pour appeler un tiers ; par ailleurs, l’assistance de l’avocat pendant les auditions pourra se faire avec utilisation de la fonction haut-parleur du téléphone. »

Si l’assistance de l’avocat s’est réalisée conformément aux dispositions de l’article 13, il en sera fait mention dans le procès-verbal de garde à vue prévu par l’article 64 du code de procédure pénale. A contrario, si des circonstances insurmontables sont intervenues empêchant l’intervention de l’avocat en garde à vue même grâce aux moyens de communication électronique.

Il résulte de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation que tout retard dans la mise en œuvre de cette obligation, non justifiée par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief à la personne concernée.

La haute juridiction judiciaire considère que « Constitue une circonstance insurmontable, de nature à empêcher l'assistance par un avocat d'une personne gardée à vue, la décision prise collectivement par un barreau de suspendre toute participation des avocats au service des commissions d'office dès lors que les officiers de police judiciaire, qui n'ont pas d'autre diligence à effectuer, ont préalablement pris contact, notamment par un appel téléphonique, avec le service de la permanence du barreau dont ils ont eu la confirmation qu'aucune assistance au titre de la commission d'office ne serait assurée » (Crim., 9 février 2016, 15-84.277, Publié au bulletin).

La Cour a ainsi considéré que dans le cadre de l’article 63-4 du Code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire, n'avaient pas d'autre diligence à effectuer que de prendre attache même téléphonique avec le service de la permanence du barreau, dès lors que ce dernier refusait d’envoyer des avocats pour cause de grève.

Or une telle exigence n’est plus constituée au regard des dispositions de l’article 13 de l’ordonnance 2020-303 précité prévoyant, en cas d’état d’urgence sanitaire et lorsque l’absence physique d’avocat est uniquement liée à la nécessité d’assurer conditions sanitaires. En effet, il revient à l’officier de police judiciaire de faire mentionner dans un procès-verbal de procédure que cet avocat a éventuellement refusé d’avoir recours à cette voie de communication exceptionnelle. Ainsi, pendant l’état d’urgence sanitaire l’officier de police judiciaire doit apprécier s’il est possible de permettre d’assurer un entretien par tous moyens de communication électronique dont le téléphone, dans les conditions de l’article 13 de l’ordonnance précitée.

A défaut, le juge devrait constater la violation du droit à l’assistance d’un avocat et annuler la procédure pour vice de forme. La Cour européenne des droits de l’homme a consacré le principe du droit à l’assistance par un avocat dès le moment du placement en garde à vue ou en détention provisoire était consacré par la Cour européenne des droits de l’Homme et ne connaissant d’exception qu’à de strictes conditions : dans le cadre de circonstances particulières et pour des raisons justifiées par des nécessités impérieuses, sans toutefois porter atteinte au droit à un procès équitable. Dans un arrêt Salduz c. Turquie en date du 27 novembre 2008 (n°36391/02), la CEDH a considéré que « Le défaut d’assistance par un avocat dès le premier interrogatoire de police, résultant de l’application sur une base systématique des dispositions légales pertinentes « suffit déjà à faire conclure à un manquement aux exigences de l’article 6 [droit à un procès équitable] » (§56).

On peut donc espérer que les juridictions pénales vérifient systématiquement si l’absence de présence de l’avocat en garde à vue pendant la période de l’état d’urgence sanitaire ne pouvait pas être comblée par la mise en place de moyens de communication électronique conformément à l'article 13 de l'ordonance 2020-303. A défaut de ces éléments, la procédure devrait être annulée pour vice de forme pour non-effectivité de l’exercice du droit à être assisté d’un avocat.