Aval – Billet à ordre – formalisme – banque – cautionnement - faute

 

Cass. Com 3 octobre 2018, n°17-20.525

 

Par un arrêt du 3 octobre 2018, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a rappelé qu’un billet à ordre sur lequel plusieurs dates différentes sont mentionnées, équivaut à un billet à ordre non daté.

 

Le billet à ordre perd alors sa qualité et l’aval qui le garantie est nul.

 

Dans quelle situation se trouvait l’avaliste du billet à ordre ?

 

En l’espèce, la société TMS avait souscrit, au profit d’une banque, un billet à ordre de 150.017, 26 € à échéance du 30 juillet 2013.

 

Ce billet à ordre portait dans l’encadré « date de création », la date du 1er mai 2013.

 

Au niveau de la mention « A Reims le… », on retrouvait la date du 6 mai 2013.

 

Une flèche pré-imprimée renvoyait cette dernière date à celle mentionnée dans l’encadré de création.

 

Il y avait donc, sur le billet à ordre, deux dates de créations différentes.

 

Ce billet à ordre était, par ailleurs garanti par un aval, donné par le directeur général délégué de la société.

 

La société ayant souscrit le billet à ordre était soumise à une procédure de sauvegarde le 25 juin 2013.

 

L’établissement bancaire déclarait sa créance.

 

L’établissement bancaire assignait en paiement l’avaliste qui se trouvait être le directeur général délégué de la société TMS et le mandataire social.

 

L’avaliste demandait la nullité du titre et donc de son aval.

 

Un encadrement rigoureux de la date de création d’un billet à ordre avalisé

 

  • La date de création d’un billet à ordre, mention obligatoire découlant du formalisme cambiaire

 

En tant qu’acte juridique, le billet à ordre est soumis aux conditions de droit commun. Mais il est également soumis à des conditions de formes, car il est un titre formel (A). La Cour de Cassation garde une position ferme en matière de formalisme cambiaire (B).

La rigueur du formalisme dans le billet à ordre issue de l’article L512-1 du Code de commerce

Selon l’article L 512-1 du Code de commerce, le billet à ordre doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires :

 

« I. - Le billet à ordre contient ;

1° La clause à ordre ou la dénomination du titre insérée dans le texte même et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre ;

2° La promesse pure et simple de payer une somme déterminée ;

3° L'indication de l'échéance ;

4° Celle du lieu où le paiement doit s'effectuer ;

5° Le nom de celui auquel ou à l'ordre duquel le paiement doit être fait ;

6° L'indication de la date et du lieu où le billet est souscrit ;

7° La signature de celui qui émet le titre dénommé souscripteur.

 

II. - Le billet à ordre dont l'échéance n'est pas indiquée est considéré comme payable à vue.

III. - A défaut d'indication spéciale le lieu de création du titre est réputé être le lieu de paiement et, en même temps, le lieu du domicile du souscripteur.

IV. - Le billet à ordre n'indiquant pas le lieu de sa création est considéré comme souscrit dans le lieu désigné à côté du nom du souscripteur ».

 

 

Si la loi prévoit quelques cas de suppléance (article L 512-1, II, Code de commerce ; article L 512-1, III, Code de commerce ; article L 512, IV, Code de commerce), le principe reste que le titre incomplet ou dont les mentions sont inexactes, ne vaut pas billet d’ordre.

 

En l’espèce, dans l’arrêt visé, la Cour de Cassation rappelle qu’un billet à ordre dans lequel l’indication de la date où il est souscrit fait défaut ne vaut pas billet à ordre.

 

La sanction de l’omission de la mention de la date de création du billet à ordre est la nullité du billet.

 

De ce fait, l’avaliste n’est également pas tenu de son engagement cambiaire.

 

La Cour de Cassation interprète de façon stricte l’article L 512-1 du Code de commerce.

 

La sanction est lourde de conséquence pour la banque, car il s’agit de la nullité du titre.

 

La nature de la sanction montre bien l’importance et la rigueur du formalisme cambiaire.

 

Une jurisprudence ferme et constante concernant les conditions de validité du billet à ordre et de l’aval

 

En l’espèce, la solution rendue par la Cour de Cassation n’est pas nouvelle.

 

Il s’agit ici d’une position jurisprudentielle constante de la part de la Cour de Cassation concernant l’omission de la date de création du billet à ordre.

 

En effet, dans un arrêt rendu le 3 avril 1985 par la Chambre commerciale, la Cour de Cassation considérait déjà, qu’un billet d’ordre non daté, alors même qu’il renferme toutes les autres mentions exigées par la loi, ne vaut pas comme billet à ordre.

 

On peut s’interroger pour savoir pourquoi l’omission de la mention concernant la date de création du billet à ordre est-elle toujours aussi sévèrement condamnée par la Cour de cassation ?

 

De toute évidence, le porteur du billet à ordre n’accordera pas la même confiance au titre, selon qu’il a été souscrit quelques mois auparavant ou selon qu’il a été souscrit il y a 10 ans.

 

Si la date de création du billet à ordre est lointaine, le souscripteur a pu être, entre temps, mis en redressement judiciaire, en liquidation judiciaire ou bien il peut être décédé.

 

Ainsi, en cas de date de souscription lointaine, le porteur prend un risque en acquérant le titre.

 

D’où la nécessité qu’il ait connaissance de sa date de création, afin qu’il acquière l’effet en toute connaissance de cause.

 

 

  • La spécificité de l’arrêt : L’existence de deux dates de création du billet à ordre

 

Existence sanctionnée par la nullité

 

Dans l’arrêt rendu le 3 octobre 2018, on apprend que le billet à ordre contient deux dates de création : le 1er et le 6 mai 2013.

 

Le mandataire social demandait la nullité du titre en considérait que ce dernier était nul du fait de l’existence de deux dates de création différentes.

 

Les juges du fond écartaient la demande. Ils considéraient que l’existence de deux dates sur le titre n’équivaut pas à une absence de date, sanctionnée par la nullité, mais à une date erronée.

 

La date erronée n’est pas sanctionnée par la nullité.

 

Or, Selon la Cour de Cassation dans l’arrêt du 3 octobre 2018 :

 

« la mention contradictoire de deux dates de création distinctes équivaut à une absence de date, sanctionnée par la nullité de l’effet ainsi que, par voie de conséquence, de l’aval donné sur ce titre irrégulier. »

 

En l’espèce la Cour de Cassation censure le raisonnement de la cour d’appel au visa de l’article L 512-1 et L 512-2 du Code de commerce.

 

On voit à travers cet arrêt que la Cour de Cassation apporte une grande importance à la mention concernant la date de création.

 

On pourrait penser qu’un billet à ordre contant deux dates de création ne soit pas sanctionné aussi sévèrement qu’un billet à ordre n’ayant aucune date.

 

La Cour de Cassation reste intransigeante en matière de formalisme cambiaire.

 

Par ailleurs, si le titre est sanctionné par la nullité et donc l’aval ne sera pas effectif.

 

La Cour de Cassation préfère sanctionner par la nullité le billet à ordre et de surcroit la nullité d’aval, plutôt que de rendre valide le titre et permettre à son bénéficiaire d’obtenir sa créance.

 

 

Les incidences de la nullité sur l’aval du billet à ordre

 

L’aval s’apparente à un cautionnement solidaire consenti le plus souvent par le dirigeant d’une société débitrice d’un billet à ordre ou d’une lettre de change au profit d’un établissement financier ou d’un fournisseur.

 

Sa nature d’accessoire d’un engagement cambiaire entraîne cependant l’application d’un régime juridique plus rigoureux, en principe, pour celui qui s’engage que le régime juridique du cautionnement.

 

 

Toutefois, disqualifier le billet à ordre (ou la lettre de change le cas échéant), permet de faire tomber le régime rigoureux attachés au droit cambiaire.

 

Le billet à ordre étant sanctionné par la nullité, par voie de conséquence, l’aval, qui ne peut valoir que comme cautionnement, est nul, pour ne pas respecter la mention manuscrite obligatoire en matière de cautionnement.

 

Ainsi, l’aval, ne peut valoir comme cautionnement, ce qu’a jugé la Chambre commerciale de la Cour de Cassation, dans un arrêt le 5 juillet 2012.

 

Il s’agit d’une décision en faveur de tous les gérants, directeurs, et autres dirigeants d’entreprise qui se portent avaliste des billets à ordre souscrit par leur société.

 

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