Instauré par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le barème d’indemnisation mis en place pour encadrer les dommages et intérêts accordés par le juge prud’homal en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse connait aujourd’hui de sérieux soubresauts.

Partagé ou non, l’objectif du législateur était affiché : « renforcer la prévisibilité et sécuriser la relation de travail ou les effets de sa rupture pour les employeurs et les salariés ».

Si certains tentent de voir dans cette mesure une rassurante harmonisation du quantum des réparations selon que l’on se situe à Lyon, Marseille ou Paris, d’autres en revanche analysent le plafonnement des indemnités comme une véritable déjudiciarisation et une régularisation autoritaire des flux contentieux auxquels la justice peine à faire face faute de moyens sérieux.

La réalité est sans doute plus simple même s’il faut regretter cet encadrement des prérogatives du juge dans l’appréciation du montant de la réparation du préjudice résultant de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

A grand renfort de publicité, plusieurs décisions de Conseils des Prud’hommes (ex : TROYES, AMIENS, LYON) sont intervenues en fin d’année 2018 refusant l’application du barème d’indemnisation au motif qu’il serait contraire aux engagements internationaux : la Convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail et la Charte Sociale Européenne.

Appuyant la légitimité de ce barème, d’autres considèrent en revanche que le juge conserve un pouvoir d’appréciation du préjudice adapté au salarié à l’intérieur des limites posées par le barème d’indemnisation (Art. L 1235-3 du Code du Travail).

A titre d’exemple, et pour un salarié comptant 15 ans d’ancienneté, le juge pourra allouer un montant situé entre 3 et 13 mois d’indemnités.

Il demeure aussi l’appréciation déjà portée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 21 mars 2018 et qui considère que le référentiel obligatoire mis en place par le législateur pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse n’est pas contraire à la constitution.

Le Conseil d’Etat avait également répondu par la négative dans sa décision en date du 5 décembre 2017.

La bataille du barème est engagée devant les juridictions du fond et il appartiendra à la Cour de Cassation de trancher cette question.

Parallèlement, et c’était sans compter sur l’imagination des plaideurs, les stratégies de contournement du plafonnement se multiplient : heures supplémentaires, harcèlement, contestation du forfait-jour pour les cadres, discrimination, etc.

En attendant, l’épisode final tarde à venir, les contentieux s’alourdissent et les délais du procès s’allongent à nouveau sans que la loi n’améliore l’équilibre bien compris de la décision de justice.

Nicolas Perrault