Quelle voie de recours en cas d’opposition à mariage du Procureur de la République?

En principe, lorsqu’une personne de nationalité française veut se marier à l’étranger avec une personne de nationalité étrangère, elle doit requérir la délivrance d’un Certificat de capacité à mariage (également dénommé sous l’abréviation CCM ou CCAM).


Le Procureur de la République dispose de la faculté de s’opposer au mariage, lorsqu’il estime, au vu d’indices (différence d’âge, refus de visas, intention migratoire et famille en France facilitant l’installation de la personne de nationalité étrangère…etc) qui lui sont transmis, que le mariage révèlerait l’intention frauduleuse, et donc l’absence d’intention réelle, de l’un des deux mariés.


Une telle Opposition à mariage doit être signifiée aux futurs époux, par voie d’huissier ou par recommandé avec accusé de réception pour le futur époux résidant à l’étranger.


Il est mentionné, aux termes de cette opposition, que les futurs époux ont, conformément aux droits qui sont les leurs et qui figurent dans des dispositions du Code civil, la possibilité d’engager une procédure devant le Tribunal Judiciaire de Nantes, par l’intermédiaire d’un avocat inscrit au Barreau de Nantes, la représentation par avocat étant obligatoire en la matière.


Les futurs époux engageront donc une procédure, aboutissant, à l’issue de la procédure, à un jugement de la 1ère Chambre du Tribunal Judiciaire de Nantes, à qui est dévolue le contentieux d’opposition à mariage, mais aussi de nullité de mariage et de transcription de mariage et d’état civil.
Toutefois, le jugement pourra s’avérer défavorable, auquel cas, un appel est possible.

 

  • Quelle voie de recours en cas de jugement défavorable du Tribunal Judiciaire de Nantes ?

Illustration avec l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 31 mai 2021 (CA Rennes 31 mai 2021 6ème Chambre A n°20/04231)

C’est seulement en cas de jugement insatisfaisant, en ce que l’opposition à mariage du Procureur de la République ne serait pas levée, qu’un appel devant la Cour d’appel de Rennes est envisageable.


Tel était le cas dans l’arrêt commenté de la Cour d’appel de Rennes du 31 mai 2021. (CA Rennes 31 mai 2021 6ème Chambre A n°20/04231)

Les faits étaient les suivants.

M. X de nationalité française, et Mme Y, de nationalité camerounaise, ont sollicité la délivrance d'un certificat de capacité à mariage auprès du consulat général de France à Yaoundé (Cameroun), en vue de leur union devant être célébrée dans cette circonscription consulaire.

Le 1er mars 2019, le procureur de la République près le Tribunal Judiciaire de Nantes a formé opposition à leur mariage, leur projet d’union étant suspecté d'être dépourvu d'intention matrimoniale.

Par acte du 23 juillet 2019, M. X et Mme Y ont assigné le procureur de la République aux fins notamment de voir ordonner la mainlevée de l’opposition à leur mariage.

Par jugement du 7 mai 2020, le tribunal Judiciaire de Nantes a débouté M. X et Mme Y de leur demande.

M.X et Mme Y ont interjeté appel de cette décision.

La Cour commence par rappeler des principes importants de la matière, en précisant que : 

La mainlevée de l’opposition peut être demandée, “à tout moment, devant le tribunal Judiciaire conformément aux dispositions des articles 177 et 178 par les futurs époux, même mineurs”.

Il résulte enfin des dispositions de l'article 176 dernier alinéa du même code que “lorsque l'opposition est faite par le ministère public, elle ne cesse de produire effet que sur décision judiciaire”.

La Cour poursuit en expliquant en quoi le projet de mariage était nécessairement sérieux :

« Les pièces produites en cause d’appel révèlent que M. et Mme qui ont partagé pendant cinq années une vraie communauté de vie, versent aux débats des éléments qui permettent de convaincre la cour de la persistance de leurs relations de couple à ce jour ainsi que de la sincérité de leurs rapports débutés il y a plus de onze années.

Il est désormais établi que M. a reconnu les deux enfants de Mme , que l’éloignement géographique des futurs époux s’est imposé à eux du fait des problèmes de santé très sérieux de M. , et que ce dernier est retourné au Cameroun rejoindre Mme en début d’année 2019, le couple n’ayant jamais cessé d’être en contact, la teneur de leurs messages produits aux débats étant de nature à démontrer un lien affectif fort.

Si les premiers juges ont noté des divergences de discours, du reste, ces dernières sont mineures et sont insuffisantes à établir une méconnaissance réciproque ou un projet matrimonial frauduleux.

Il n’est de surcroit nullement démontré en l’état du dossier que les futurs époux poursuivent au travers de leur projet de mariage, un but autre que la volonté de se retrouver et de former à nouveau la famille qu’ils étaient au Cameroun, leur différence d’âge étant inopérant à faire une telle preuve et me n’ayant au cours des onze années passées, jamais manifesté la moindre intention migratoire, n’ayant pas sollicité le moindre visa pour venir en France.

L'ensemble de ces éléments démontre une continuité des relations entre les futurs époux depuis avril 2010, ainsi que la sincérité de l’union projetée et leur volonté matrimoniale réciproque.

Il convient en conséquence d'ordonner la mainlevée de l'opposition à mariage
formée par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes. »

Une telle décision nous paraît parfaitement justifiée, tant il est vrai que les futurs époux disposaient d’arguments sérieux et difficilement contestables pour faire valoir les raisons profondes et sincères de leur union.

Observation n°1 : Dans cette affaire, le ministère public avait lui-même, en cause d’appel, revu sa position, puisqu’il ne s’opposait plus au regard de la pertinence des justificatifs produits pas les futurs époux, à la poursuite du projet de mariage de ceux-ci.

Observation n 2 : Il est à noter que ces deux procédures ont été relativement rapides, car en 2 ans les requérant ont été destinataire non seulement du jugement, mais aussi de l’arrêt de la Cour d’appel.

En conclusion, même si les procédures peuvent être légitimement éprouvantes pour les futurs époux confrontés à une Opposition à mariage formée par le Procureur de la République de Nantes, ceux-ci ont la possibilité d'exercer un recours, y compris en cas de décision défavorable en première instance, en portant leur affaire devant la Cour d'appel de Rennes où ils peuvent être représentés par le même avocat que celui les ayant représenté devant le Tribunal Judiciaire de Nantes.

Maître Charlyves SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit des personnes et droit de l'état civil, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges.

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