Les interventions sur le régime juridique des oppositions à mariage, généralement stable, s’opèrent par petites touches, à petits pas.


La loi du 24 août 2021 applicable à compter du 26 août 2021, qui apporte des nouveautés sur le déroulement des auditions qui suivent la demande de certificat à mariage en est une nouvelle illustration.


A l’origine de cette modification, il y a en fait une modification du Livre 1er, Chapitre III du Code civil, relatif aux actes d’état civil, et plus particulièrement aux actes de mariage.


L’article 63 du Code civil a été modifié par la loi du 24 août 2021 pour assouplir les conditions de contrôle des projets de mariage, et permettre ainsi aux officiers d’état civil de disposer d’un plus large panel de moyens de contrôle, et ainsi effectuer des signalements lorsque le mariage est suspect, en ce qu’il pourrait être nul, comme étant contraire aux articles 146 et 180 du Code civil.


Désormais, l’officier d’état civil peut demander à s’entretenir individuellement avec chacun des futurs époux.


L’objectif qui sous-tend cette évolution est la lutte contre les mariages frauduleux, qui dévoient l’institution du mariage et détournent la loi.


En réalité, cette possibilité existait déjà dans la précédente version de l’article, mais elle semblait laisser un pouvoir quasi discrétionnaire à l’officier d’état civil pour décider dans quelles conditions et selon quelles modalités il pouvait s’entretenir séparément avec l’un ou l’autre des futurs époux.


Désormais, et de manière opportune, cette possibilité est encadrée, et ne peut être utilisée que dans le cas où l’officier d’état civil suspecte une fraude à la loi, c’est-à-dire un mariage qui serait dénué d’intention matrimoniale réelle. (mariage blanc) 


Ainsi, l’article 63 du Code civil se voit ajouter la disposition suivante :


« La publication prévue au premier alinéa ou, en cas de dispense de publication accordée conformément aux dispositions de l'article 169, la célébration du mariage est subordonnée :
1° A la remise, pour chacun des futurs époux, des indications ou pièces suivantes :
-les pièces exigées par les articles 70 ou 71 ;
-la justification de l'identité au moyen d'une pièce délivrée par une autorité publique ;
-l'indication des prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile des témoins, sauf lorsque le mariage doit être célébré par une autorité étrangère ;
- le cas échéant, la justification de l'information de la personne chargée de la mesure de protection prévue à l'article 460 ;
2° A l'audition commune des futurs époux, sauf en cas d'impossibilité ou s'il apparaît, au vu des pièces fournies, que cette audition n'est pas nécessaire au regard des articles 146 et 180.
L'audition du futur conjoint mineur se fait hors la présence de ses père et mère ou de son représentant légal et de son futur conjoint.
L'officier de l'état civil demande à s'entretenir individuellement avec chacun des futurs époux lorsqu'il a des raisons de craindre, au vu des pièces fournies par ceux-ci, des éléments recueillis au cours de leur audition commune ou des éléments circonstanciés extérieurs reçus, dès lors qu'ils ne sont pas anonymes, que le mariage envisagé soit susceptible d'être annulé au titre des mêmes articles 146 ou 180.
L'officier de l'état civil peut déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires du service de l'état civil de la commune la réalisation de l'audition commune ou des entretiens individuels. Lorsque l'un des futurs époux réside à l'étranger, l'officier de l'état civil peut demander à l'autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente de procéder à son audition.
L'autorité diplomatique ou consulaire peut déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l'état civil ou, le cas échéant, aux fonctionnaires dirigeant une chancellerie détachée ou aux consuls honoraires de nationalité française compétents la réalisation de l'audition commune ou des entretiens individuels. Lorsque l'un des futurs époux réside dans un pays autre que celui de la célébration, l'autorité diplomatique ou consulaire peut demander à l'officier de l'état civil territorialement compétent de procéder à son audition.
L'officier d'état civil qui ne se conformera pas aux prescriptions des alinéas précédents sera poursuivi devant le tribunal judiciaire et puni d'une amende de 3 à 30 euros. »

Les nouvelles dispositions de cet article déteignent naturellement sur l’article 175-2 du Code civil relatif aux oppositions au mariage, puisque ce dernier opère un renvoi aux dispositions de l’article 63 en ces termes : 

« Lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l'audition ou des entretiens individuels mentionnés à l'article 63, que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé au titre de l'article 146 ou de l'article 180, l'officier de l'état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe les intéressés. »

Voilà donc l’entretien individuel du futur époux pleinement consacré au sein des articles relatifs aux oppositions à mariage, qui jusqu’ici ne faisait mention que de la possibilité pour l’officier d’état civil de saisir le Procureur de la République (le plus souvent le Procureur de la République de Nantes), lorsqu’il existait des indices sérieux laissant présumer un mariage susceptible d’être annulé au vu de l’audition prévue à l’article 63 du Code civil.


Autrement dit, dans la pureté des textes, l’officier d’état civil ne pouvait pas, jusqu’ici, se baser sur des entretiens individuels, pour saisir le Procureur de la République de Nantes.


Or, dans la pratique, et surtout lorsque la cérémonie de mariage doitse dérouler à l’étranger, les futurs époux ne sont pas auditionnés ensemble.


Ils le sont séparément, en France pour le ressortissant français, par les services de police ou de gendarmerie.


Et à l’étranger pour le ressortissant étranger, par un officier d’état civil du consulat ou de l’ambassade.
Il y avait donc là un risque d’illégalité des procédures d’opposition à mariage, telles qu’elle étaient accomplies par les officiers d’état civil.


Est-ce à dire, pour autant, que les auditions se passeront mieux ?


Rien n’est moins sûr, car, bien que les officiers d’état civils bénéficient d’instructions plus détaillées que par le passé, et que la grande majorité effectuent leur mission avec tact et professionnalisme, il n’en demeure pas moins que dans certains cas, les auditions se déroulent mal, et l’avis de l’officier d’état civil oriente son jugement.


Il faut dire que la marge de manœuvre de l’officier d’état civil reste importante, et que, bien souvent, c’est de son avis dont va dépendre la position du parquet, qui décidera ou non de former ensuite opposition au mariage.


Le temps serait donc peut être venu d’encadrer d’avantage la forme de ces auditions, en prévoyant par exemple le droit à un traducteur pour le ressortissant étranger qui, même s’il parle approximativement le français, n’est bien souvent pas préparé à la vague de questions qui s’abat sur lui et qui peut s’évérer déstabilisante et fausser le résultat de l’audition.


Et prévoir plus largement un véritable régime juridique pour encadrer ces entretiens, dont les futurs époux ignorent parfois jusqu’à l’importance dans le cadre de leur demande de certificat de capacité à mariage.


L’avenir nous dira ce que le législateur décidera en ce domaine.

Maître SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit des personnes, droit de l'état civil, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges portant sur les oppositions à mariage.

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