Il n'y a pas nécessité pour les époux d’obtenir un refus formel de transcription du Procureur de Nantes pour pouvoir agir en justice.
Tel est l'enseignement d'un récent arrêt rendu par la Cour d'appel de Rennes.
Par un arrêt en date du 3 janvier 2022, la 6e chambre de la Cour d’appel de Rennes, qui traite notamment des appels relatifs aux oppositions à mariage et au refus de transcription de mariage, vient de rendre un arrêt intéressant en matière de transcription de mariage effectué à l’étranger.
- Quels étaient les faits ?
Les faits étaient relativement simples.
De personnes s’étaient mariés à l’étranger, en l’occurrence au Sénégal.
Toutefois, plutôt que de déposer ensuite leur dossier et leur demande de transcription de mariage auprès du consulat général de France à Dakar, les époux ont laissé les choses en l’état durant plusieurs années.
Ce n’est que lorsqu’ils ont fait le choix de vivre en France, plusieurs années plus tard, et avec l’intention d’obtenir une transcription rapide de leur acte de mariage, qu’ils ont saisi le Tribunal Judiciaire de Nantes d’une demande en transcription de leur acte de mariage sur l’état civil français.
Le Tribunal à toutefois déclaré leur demande irrecevable, et à rejeté celle-ci, en considérant que les époux auraient dû saisir préalablement le consulat général de France à Dakar, autorités diplomatiques compétentes pour examiner toute transcription d’acte d’état civil étranger, seul le refus de transcription consulaire confirmée par le procureur de la République de Nantes, autorité de tutelle des autorités consulaires et diplomatiques en cette matière, pouvant être régulièrement déféré au Tribunal judiciaire de Nantes.
- La Cour reconnait le droit des époux à agir judiciairement en demande de transcription de leur mariage, s’en passer préalablement par l’autorité consulaire.
Que nenni, répond la cour !
Il résulte des textes que si la procédure normale de transcription des actes d’états civils étrangers sur les registres consulaires est réservée par principe aux postes diplomatiques et consulaires territorialement compétents, aucun des articles sus visés, ni d’ailleurs aucun autre texte, n’érige cette procédure comme un préalable obligatoire faisant obstacle à toute transcription directement ordonnée par l’autorité judiciaire, cette dernière étant en capacité, au même titre que les autorités diplomatique compétentes, de procéder aux vérifications de l’acte d’état civil étranger à l’égard de l’article 47 du code civil, préalable nécessaire à toute demande de transcription sur les registres consulaires.
Aussi, et contrairement à ce qu’en ont décidé les premiers juges, la demande de transcription formulée par M. Y X de son acte de naissance n° 2225 dressée le 20 septembre 2017 sur les registres de l’état civil de la commune de Y (Sénégal) sur la base d’un jugement d’autorisation d’inscription de naissance du tribunal d’instance de Pen date du 20 juin 2017 est recevable.
Le jugement ayant déclaré cette demande irrecevable sera donc infirmé.
Au fond, la régularité des pièces produites par l’appelant, et notamment de son acte de naissance, n’est pas remise en cause par le ministère public au regard des dispositions de l’article 47 du code civil.
Il sera donc fait droit à la demande.
- Les conséquences pratiques de cette décision
Cette décision est à saluer, tant du point de vue du droit à l’accès au juge, que du point de vue pratique.
Du point de vue des principes juridiques, Il aurait été en effet anormal que la jurisprudence dégage un principe d’étape préalable obligatoire, là où aucun texte ne le prévoit expressément.
Ce serait restreindre excessivement le droit d’accès au juge, et même lui retirer une partie de ses pouvoirs, en lui déniant le droit de juger une affaire tant qu’elle n’aurait pas été traité par le consulat et le Procureur.
Du point de vue pratique, cette décision est également remarquable en ses effets collatéraux.
Elle reconnaît en effet le droit et la possibilité pour les époux mariés à l’étranger d’agir immédiatement en justice en demande de transcription de leur mariage,.
Cela peut être une initiative bienvenue, notamment si les futurs époux ont un doute sur la position que pourrait avoir le consulat, l’ambassade ou le procureur de la République quant à la transcription de leur mariage.
Plutôt que de se soumettre à un premier examen qui peut durer de longs mois auprès des autorités consulaires, puis à un deuxième examen du procureur de la République si les autorités consulaires refusent la transcription, lequel peut encore durer parfois de 10 à 18 mois, parfois plus, les époux pourront ainsi directement saisir le tribunal, ce qui aura pour vertu à la fois un examen accéléré par le procureur de leur situation, mais aussi une décision de justice dans un délai raisonnable.
C’est, on le voit, une alternative intéressante pour éviter les délais actuellement difficilement supportables constatées par les époux qui attendent parfois des années la transcription de leur mariage, avant de se voir opposer un refus.
Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre a, 3 janvier 2022, n° 20/06079
Maître SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit de l'état civil, droit des personnes vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges portant sur la transcription des actes d'état civil.
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