Un fait commis en dehors du travail peut-il justifier un licenciement disciplinaire ?

Par principe, les faits relevant de la vie personnelle du salarié sont exclus des prérogatives disciplinaires de l’employeur.

Une décision récente de la Cour de Cassation vient cependant rappeler que la frontière entre faute grave et vie privée est difficile à cerner (Cassation Sociale 8 juillet 2020, n° 18-18.317).

Les faits étaient les suivants : à l’occasion d’une escale dans un pays étranger, le steward d’une compagnie aérienne avait commis un vol de portefeuille au préjudice d’un client de l’hôtel dans lequel il résidait.

Il a été alors licencié pour faute grave par son employeur lequel avait considéré que son salarié avait manqué à ses obligations professionnelles et porté atteinte à l’image de la compagnie aérienne.

Débouté de ses demandes devant les premiers juges, le salarié forma un pourvoi en cassation dans lequel il soutenait notamment qu’un motif tiré de sa vie personnelle ne pouvait justifier un licenciement disciplinaire.

Il s’appuyait sur les dispositions de l’article 9 du Code Civil qui dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée.

Pour rejeter le pourvoi du salarié, la Cour de Cassation a retenu que les faits avaient été commis pendant le temps d’une escale dans un hôtel partenaire de la compagnie aérienne lequel avait signalé à l’employeur le vol et que la victime n’avait porté plainte qu’en raison de l’intervention de la compagnie aérienne.

La Haute Juridiction concluait donc que les faits reprochés se rattachaient à la vie professionnelle du salarié.

Ainsi, les faits commis par un salarié hors du temps et du lieu de travail peuvent, dans des circonstances très particulières et dès lors qu’il existe des liens étroits avec la vie professionnelle, justifier une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

La jurisprudence avait déjà reconnu le caractère disciplinaire d’un licenciement pour faute prononcé à l’égard d’un chauffeur routier pour conduite en état d’ivresse en dehors de son temps de travail (Cassation Sociale 2 décembre 2003, n° 01-43.327).

Cependant, cette appréciation reste complexe.

Ainsi, et à propos d’une infraction au Code de la Route ayant entrainé une suspension du permis de conduire du salarié, la Cour de Cassation a pu juger qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier une faute professionnelle (Cassation Sociale 3 mai 2011, n° 09-67.464).

En revanche, le salarié pourrait être licencié pour un motif non disciplinaire s’il devait être empêché d’exercer la mission pour laquelle il a été recruté (Cassation Sociale 1er avril 2009, n° 08-42.071).

La démonstration d’un trouble objectif à l’entreprise devra alors être apportée par l’employeur pour légitimer la rupture du contrat de travail.

Entre vie personnelle et faute professionnelle, l’incertitude demeure.

Nicolas PERRAULT