Dans un jugement du conseil de Paris du 16 juillet 2024 (RG 23/ 05043 et RG 23/8845), une Directrice de ST DUPONT en forfait jours obtient la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour non-paiement de rémunération variable, rappel de salaire pour travail non payé, forfait jours privé d’effet et rappel d’heures supplémentaires, repos compensateur.
Au total elle obtient 162 000 euros.
ST DUPONT a interjeté appel du jugement du conseil de prud’hommes de Paris.
1) EXPOSE DES FAITS
Madame X a été embauchée par la société ST Dupont à compter du 15 mars 2021 en qualité de Directrice, avec une convention de forfait annuel de 213 jours de travail par an. Le 20 juin 2023, Madame X a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement et le 12 juillet 2023, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse avec dispense de préavis.
Madame X conteste les griefs qui lui sont reprochés et a saisi le Conseil de céans.
La société ST Dupont emploie plus de 100 salariés et applique la convention collective nationale de la Bijouterie Joaillerie et Orfèvrerie.
2) DEMANDE PRÉLIMINAIRE :
À titre préalable, la demanderesse demande la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG F23/05043 et F23/08845. Madame X a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris le 28 juin 2023 d'une demande de résiliation judiciaire. Elle a été ultérieurement licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée du 12 juillet 2023. S'agissant de demandes nouvelles, Madame X a été contrainte de saisir à nouveau le Conseil afin de contester son licenciement. C'est la raison pour laquelle Madame X demande au Conseil de prononcer la jonction des affaires en se fondant sur les articles 367 et 68 du Code de procédure civile.
Vu l'article 367 du Code de procédure civile :
"Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit nécessaire, dans l'intérêt d'une bonne justice, de les faire instruire ou juger ensemble. Il peut également ordonner la disjonction d’une instance en plusieurs."
À la demande des parties et après analyse, le Conseil prononce la jonction des deux instances RG F23/05043 et F23/08845.
3) MOTIVATIONS ET JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE PARIS.
Le Conseil de prud’hommes de Paris, après en avoir délibéré, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort :
Ordonne la jonction avec l’affaire n°23/8845
Fixe le salaire mensuel de Mme X à 9160,37 euros bruts
Juge que la convention forfait jours est privée d’effet.
Prononce la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Condamne la S.A ST DUPONT à verser à Mme X les sommes suivantes :
- 16.488,66 euros bruts au titre du rappel de salaire de rémunération variable
- 1648,87 euros de congés payés afférents
- 15.384,50 euros bruts à titre de rappel de salaire du 18/01/21 au 15/03/21
- 1538,45 euros au titre des congés payés afférents
- 45.000 euros bruts au titre des heures supplémentaires
- 4500 euros bruts au titre des congés payés afférents
- 18.117 euros bruts au titre du repos compensateur
- 1811,70 euros au titre des congés payés afférents
- 384,59 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la journée du 12/10/23
- 38,46 euros au titre des congés payés afférents
- 27.481,11 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis
- 2748,11 euros au titre des congés payés afférents
Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation
Rappelle qu’en vertu de l’article R.1454-28 du Code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.
- 27.481,11 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.
Ordonne à la S.A ST DUPONT le remboursement des indemnités de chômage perçues par Mme X à France Travail dans la limite de 1 mois.
Déboute Mme X du surplus de ses demandes
Déboute la S.A ST DUPONT de sa demande reconventionnelle
Condamne la S.A S.T. DUPONT aux dépens.
Vu les articles suivants du Code de procédure civile :
Article 5 : "Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé."
Article 6 : "A l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder."
Article 9 : "Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. "
Article 472 : "Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. "
Article 12 : "Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat."
Vu l’article 5 du Code civil : "Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et règlementaire sur les causes qui leurs sont soumises."
Vu les éléments recueillis contradictoirement à la barre et dans les dossiers de plaidoirie,
Le Conseil, suite à l’audition des parties, ainsi que des réponses apportées à des questions et son analyse des conclusions et pièces présentées, a pu apprécier les éléments suivants fondant sa décision :
3.1) Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :
a) En droit :
Vu les articles 1224 et 1226 du Code civil
b) En l’espèce et en conséquence :
Les éléments présentés par Mme X au Conseil : remarques désobligeantes, agressions verbales en réunion, mise à l’écart, refus d’appliquer les termes de l’avenant relatif à la rémunération variable, temps de travail et amplitudes de travail très importantes, font apparaitre des manquements graves de l’employeur au regard de ses obligations contractuelles.
L’analyse de ces éléments conduit le Conseil à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X aux torts de l’employeur, et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La ST Dupont est condamnée en conséquence à verser à la salariée les indemnités suivantes :
- 3 mois de salaires au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, soit la somme de 27481,11 Euros bruts, ainsi que les congés payés afférents, soit 2748,11 Euros bruts ;
- ainsi que la somme de 27481,11 Euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
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https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/luxe-condamnation-dupont-payer-euros-36215.htm
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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